Luc-Henri Fage
photos, films, livres, expéditions…
Tout petit, je rêvais de connaître les peuples qui vivaient aux Antipodes, la « tête en bas ». C’est la spéléologie qui m’a permis de réaliser ce rêve en 1985, en me propulsant dans une expédition nationale en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Les populations locales et leurs costumes, sculptures et objets magnifiques, ont rapidement attiré mon regard de photographe et très vite, stimulé une passion de collectionneur.
Invité à Art Lacoste 2024, je remercie Karin Merveille de m’avoir suggéré d’y exposer mes photographies en accord avec des pièces de ma collection, qui proviennent de Papouasie et de Bornéo : tambour et boucliers géants, statuettes magiques, amulettes, bijoux, porte-bébés, machettes somptueuses, objets de cuisine, sacs de portage et tapis tissés en rotin… Des objets bruts autant que raffinés, mais toujours d’une grande sensualité, qui témoignent de la profonde inclusion animiste de leurs auteurs dans la nature.
Préparer cette exposition fut une introspection dans les photos ramenées de mes quatre expéditions en Nouvelle-Guinée et des quelque vingt missions spéléo-archéologiques dans les grottes de Bornéo, sans oublier quelques péripéties notables en Afrique (Congo, Gabon) ou dans l’archipel de la Patagonie chilienne…
Je mesure ô combien que ces voyages dans des milieux naturels somptueux n’auraient pas eu le même sel sans la rencontre de ceux qui y vivent au quotidien dans des environnements que d’aucuns qualifient « d’hostiles », sans doute pour se donner bonne conscience de les éradiquer de la Terre.
Entre 1988 et 2018, j’ai été le témoin de la disparition de 40 % des forêts primaires de Bornéo… Déforestation massive et incendies gigantesques ont ravagé des forêts aussitôt remplacées par des plantations d’huile de palme…
Il subsiste quelques sanctuaires isolés dans les montagnes, là où les engins motorisés ne peuvent effectuer leur travail mortifère, laissant quelques espaces à la vie sauvage. Pour combien de temps ? J’espère que mes enfants, ainsi que leurs enfants, pourront un jour voir des orangs-outangs en dehors des zoos…
1988, l'ancêtre du village de Nahabuan, sur la Haute Mahakam,
Dayak groupe Penihing.
Poignée de parang ou mandau (machette Dayak Berau, Bornéo)
en andouiller de cerf et crin. Milieu XXe s.
Poignée de parang ou mandau (machette Dayak Berau, Bornéo)
en andouiller de cerf et rotin tressé. Milieu XXe s.
1988, retour de chasse, Punan Obungan de Tiang Ohan.
Amulette Dayak Berau, milieu XXe, le chasseur revient avec un cochon sauvage dans son pannier en osier. Bois de fer.
Amulette Dayak Berau, milieu XXe, sanglier.
Femmes Punan de la rivière Bungan,
tressage de tapis en rotin.© LH Fage
1993, en haut de la rivière Cihan, dans le piton calcaire de Liang Beraneh, le crâne du guerrier ennemi Hocan est placé à l'entrée d'une grotte sépulcrale...
1988, chercheur d'or sur des hauts fonds de la Haute Mahakam.
Il fait un soleil de plomb.
1988, jeune Dayak Peninhing en tenue de cérémonie,
village de Nahabuan.
1988, mandau de prestige, début XXe.
1988, mandau (machette de chasse et de guerre) utilisé au cours des chasses aux têtes fraîches prises aux ennemis, début XXe.
34 photographies prises au fil des voyages de l'auteur dans le cœur de Kalimantan (Bornéo indonésien), voisinent une centaine d'objets, certains fort rares. Cette exposition raconte le quotidien et les croyances mystiques des communautés de Bornéo entre 1988 et 1993...