Luc-Henri Fage

photos, films, livres, expéditions…

LA MÉMOIRE DES BRUMES

30 ans après l’expédition Gaisseau qui signait la première traversée de la Nouvelle-Guinée sud-nord, deux jeunes gens décident de remettre leur pas dans ceux de leur aîné. Avec pour viatique les photos de l’expédition et une bonne dose d’inconscience, ils réalisent un témoignage sur les changements intervenus dans les tribus papoues. Échappant à la surveillance des militaires indonésiens, ils marchent à la rencontre de la montagne interdite. Plus de 1000 kilomètres éprouvants dans des territoires où vivent de fascinants Papous tailleurs de hache de pierre...

Que sont devenus les Papous pygmoïdes que l'expédition Gaisseau-Delloye avait découverts en 1960? Trente ans après, Arnoult Seveau et Luc-Henri Fage sont les premiers à refaire la même traversée, du sud au nord de la Nouvelle-Guinée indonésienne. Échappant à la surveillance des militaires, sans appui extérieur, ils marchent à la rencontre de la montagne interdite. Plus de mille kilomètres très éprouvants, à travers des territoires incontrôlés où vivent de fascinants Papous tailleurs de haches de pierre.

Une mystérieuse petite bouteille enfouie à 3700 m d'altitude, d'inextricables forêts primaires accrochées aux nuages, des nomades que l'on dit cannibales, un radeau de bambou, un naufrage, des serpents et des larves pour survivre...

Arnoult et Luc-Henri nous offrent une ode chaleureuse et passionnée à la nature et à ces hommes qui vivent hors du temps, sur les dernières terres inexplorées de la planète.

Loin de l'exploit stérile, leur voyage a été mené comme une grande enquête. Leur film est un témoignage précieux sur ces extraordinaires tribus, dont la culture est aujourd'hui menacée sous la pression simultanée des missionnaires et de l'administration indonésienne.

C'est aux Papous, ces grands "petits hommes" des montagnes, ultimes dépositaires de la mémoire des brumes, que A. Seveau et L.-H. Fage dédient leur belle aventure...

Versions française.  DVD disponible ici

ACHETER DVD

* Grand Prix du premier festival Jules Verne Aventure Paris 1992

* Grand prix de la Société de Géographie, festival international du film de géographie, Saint-Dié, 1992

* Prix spécial du Jury, festival du film d'aventure de Dijon 1992

* Prix spécial du Jury et Prix du film d’exploration, festival du film de montagne et d'aventure d’Autrans, 1992

 

Un film de Luc-Henri Fage et Arnoult Seveau | 52 minutes | Images Luc-Henri Fage | Montage Pierre Boccanfuso | Production TarentulaProduction, avec la participation de Canal Plus.

Diffusion Discovery Channel.

Le Monde, 21 juin 1992

 

LE CIEL ET LA BOUE ; LA MÉMOIRE DES BRUMES : CANAL +, 11 h et 22 h Les survivants de l'âge de pierre

 

A l'ouest de la Nouvelle-Guinée, des Papous vivent encore à l'âge de la pierre polie. Deux documentaires, tournés en 1960 et en 1991, permettent d'accomplir un voyage dans la préhistoire.

 

SUR la carte de l'Irian-Jaya, il existe encore, en cette fin du vingtième siècle, une tache blanche barrée de la mention " Informations incomplètes sur le relief ". L'Irian-Jaya est le territoire _ vaste comme les quatre cinquièmes de la France _ qui occupe la partie occidentale de la Nouvelle-Guinée, l'Est constituant l'Etat indépendant de Papouasie. Après une annexion par l'Espagne, puis une colonisation par la Hollande, la province est devenue une dépendance indonésienne en 1963. Traversée d'est en ouest par une chaîne de montagnes culminant à 5 000 mètres et noyées dans les nuages, elle est recouverte de forêts au sol spongieux. Elle est peuplée d'environ un million d'habitants, pour la plupart papous. Précédée d'une sale réputation, l'" Ile des mauvaises gens ", ainsi que l'avaient baptisée les navigateurs portugais, fut négligée par les explorateurs et les missionnaires. Les colonisateurs, eux, se contentèrent d'établir sur ses côtes quelques comptoirs commerciaux.

 

Cette terra incognita située dans la zone la plus élevée de la cordillière représente une véritable aubaine pour les derniers explorateurs. Aucune route n'y pénètre encore, aucun sentier n'y est connu. Tout est à découvrir. Les premiers à se lancer dans l'aventure furent deux Français, Gérard Delloye et Pierre-Dominique Gaisseau. Ils partirent, le 3 septembre 1959, d'un poste militaire hollandais de la côte sud, en direction du Pacifique via le territoire des Papous, 600 kilomètres à vol d'oiseau. L'expédition comprenant huit Européens (sept Français et un officier hollandais), quatre policiers locaux et soixante-trois porteurs papous, mit sept mois à atteindre son but, le 3 avril 1960.

 

Gaisseau, Delloye et leurs compagnons, premiers Blancs que les " chasseurs de têtes ", armés d'arcs et de flèches, aient jamais rencontrés, rapportèrent de leur voyage des images qui firent sensation. Des photos signées Tony Saulnier, d'abord, dont l'une, portrait d'un guerrier allongé, le cou nonchalamment appuyé sur un crâne humain, parut dans les magazines du monde entier. Pour les Papous, rien de plus naturel que cette attitude, car la possession de la tête d'un adversaire vaincu permet de s'approprier son courage, sa force et son intelligence. Ensuite, un documentaire de Pierre-Dominique Gaisseau, le Ciel et la Boue, 90 minutes en 35 mm, qui reçut à Hollywood l'Oscar du meilleur film documentaire en 1961 (1). Un livre, enfin, de Gérard Delloye, la Hache de pierre, dans lequel l'auteur révélait l'existence des derniers habitants de la planète vivant encore à l'âge de pierre.

 

Trente et un ans plus tard, deux jeunes Français, Arnoult Seveau et Luc-Henri Fage, décident de partir à la recherche des Papous que Gaisseau et Delloye avaient été les premiers à rencontrer. Munis d'une collection des photos de Tony Saulnier, ils entament, le 15 décembre 1990, un périple qui s'achèvera soixante-quinze jours plus tard, le 26 février 1991, sur la côte nord. Contrairement à leurs prédecesseurs, ils ne se font pas ravitailler par des largages aériens. Ils n'emportent qu'un équipement léger, un caméscope et des rations d'aliments lyophilisés, car ils veulent (sur)vivre, comme les autochtones, des maigres ressources du pays.

 

Par chance, au cours de leur progression, ils trouvent des Papous qui veulent bien guider ces drôles de Blancs qui marchent sur des sentiers vertigineux, glissants et à peine tracés. Certains d'entre eux ont appris l'indonésien à l'école des missionnaires hollandais ou américains _ qui se sont fait déposer en hélicoptère dans plusieurs villages. Grâce à cette aide précieuse, Seveau et Fage éprouvent, un jour, la plus forte sensation de leur vie : se trouver en présence de Dimane, chef du clan Balio et maître tailleur de pierre. Gardien des coutumes et des traditions, il est vêtu du même " costume " que ses lointains ancêtres de la préhistoire, un simple étui pénien en écorce de coloquinte. Ils demeureront plusieurs jours avec lui pour recueillir son témoignage et le filmer dans l'exercice de son art.

 

C'est bien évidemment à Dimane, vraisemblablement dernier détenteur du savoir-faire millénaire des tailleurs de haches de pierre polie, qu'ils ont dédié leur documentaire de 52 minutes, la Mémoire des brumes (2), prix spécial du jury au Festival international du film d'aventures, en 1992.

 

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