Luc-Henri Fage

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Tewet, le Dayak aux mille grottes

 

TÉLÉRAMA DU 22/02/2014

 

TT Tewet, le Dayak aux mille grottes

Découvertes par Luc-Henri Fage

 

A l’est de Bornéo, les monts Marang déchiquettent l’azur et s’abiment dans la forêt émeraude. Constellées d’innombrables cavités. Ces falaises de grès n’ont plus de secret pour Tewet. Âgé de 66 ans, le Dayak vit depuis toujours du commerce de nids d’hirondelles. Un mets à base de salive protéinée très prisé des Chinois qui se négocie à plus de 4 000 euros le kilo et se consomme en soupes censées apporter force et vitalité. Depuis quelques années hélas, cette ressource s’est subitement raréfiée. En cause : son exploitation intensive et la déforestation de la région à des fins de production d’huile de palme. De quoi pousser les chasseurs de nids au désespoir...

Luc-Henri Fage s’est ému de leur sort. « N’y a-t-il donc aucune alternative pour continuer le mode de vie ancestral des monts Marang ? » s’inquiète-t-il en voix off. Connu pour ses découvertes d’art rupestre dans l’ile indonésienne, le spéléologue, explorateur et documentariste français relaye la détresse de son ami Tewet au fil d’un film vibrant, Intense. Il s’est aventuré entre jungle, mangrove et galeries souterraines, en quête d’une solution durable à la survie des autochtones. Et si cette nature grandiose, quasi mystique, recelait d’autres trésors insoupçonnés ?

Éléonore Colin

 

 

 

 

 

 

Award for Best Cultural Heritage Film,

Festival Arkhaïos 2016,
Hilton Head Island,
South Carolina, USA

Fiche technique

 

Un film écrit et réalisé par
Luc-Henri Fage

 

51 minutes, format HDCam

 

Une coproduction Docside Production

et Félis Production

 

Images : Roland Théron et

Luc-Henri Fage

 

Montage : Anne Buxerolle

 

Musique : Michel Pascal

 

Commentaire lu par : Mathieu Barbier

 

Produit avec l’aide de :

• France Télévision ("Faut pas rêver" France 3)

• Planète+ Thalassa,

• et le concours du FODACIM, fonds d’aide au cinéma de montagne.

« À Bornéo, le désarroi d’un chasseur de nids d’hirondelles face au désastre de la forêt et la fin des hirondelles. Mais, bien caché dans certaines grottes, Tewet couve un autre trésor, qui pourrait aider sa communauté… »

Le mot du réalisateur

 

Pak Tewet est un Dayak, comme on appelle les autochtones sédentaires de la grande forêt de Bornéo, né en 1947 dans une Indonésie fraîchement indépendante. Cet homme discret, malicieux, est un grand monsieur.

 

Il a été l’un des plus audacieux explorateur des grottes des monts Marang, un massif calcaire déchiqueté par l’érosion, où la progression est très difficile, à cause des pitons acérés qui le recouvrent, et des falaises souvent infranchissables.

 

Pour moi, spéléologue, il y a toujours eu du respect pour ces hommes qui ont quasiment exploré toutes les grottes, gouffres et rivières souterraines avant que le premier « spéléologue » n’arrive dans le secteur. Mais si nous cherchons l’aventure, et pour ma part, les traces des premiers hommes qui ont laissé sur les parois les témoignages émouvants de leur culture disparue, avec des peintures rupestres exceptionnelles, Tewet et les membres de sa communauté, les Basap, cherchent tout autre chose.

 

L’or des grottes, ce sont les nids d’hirondelles. Trois variétés de Salanganes nichent en grotte, où elles se déplacent par un procédé proche des chauves souris d’écholocation, en fabriquant leurs nids avec leur salive riche en protéine. Le drame pour ces hirondelles, c’est que ces nids sont comestibles, et que les Chinois en raffolent.

 

Autrefois mets réservé à l’empereur, ces nids sont achetés à prix d’or par les riches Chinois de la diaspora, car ils leur prêtent des vertus médicales…

Donc Tewet est un collecteur de nids d’hirondelles. On l’appelle « l’homme aux mille grottes », mais la destruction de la forêt, la surexploitation des nids, et la préemption des grottes les plus prolifiques par le gouvernement fragilisent leur mode de vie…

 

Je connais Tewet depuis 1998, quand il fut notre guide pour découvrir la première grotte ornée des monts Marang, Ilas Kenceng. L’année suivante, il nous révéla une grotte qui s’est révélée comme la plus belle de tout Bornéo, et que j’ai appelée de son nom. Jusqu’en 2006, Tewet et sa famille ont constitué notre équipe de piroguiers, porteurs et guides, nous permettant de découvrir une vingtaine de grottes ornées rien que dans les Monts Marang.

 

Ces années d’exploration m’ont rapproché de lui, et nous sommes devenus amis. A mon  dernier voyage, en 2012, j’ai réalisé que la production des nids était en chute libre. Il était temps de revenir pour raconter dans un film cet étrange métier, et tenter de comprendre avec lui les raisons de cette disparition. C’est ce que nous avons fait en mai-juin 2013.

 

Mais Tewet garde bien au chaud un autre trésor, qui ne se mange pas et qui pourrait un jour redonner à sa communauté des chances de continuer le mode de vie de ses ancêtres dans les grottes et les falaises des Monts Marang : ce sont ces grottes ornées, qui constituent un patrimoine culturel et naturel exceptionnel et qui sont en train d’être protégées par un Parc national en constitution.

 

Luc-Henri Fage

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